D'après l'ouvrage "Les poisson d'eau douce des rivières de France" (éditions Delachaux et Niestlé 1997), il subsiste dans nos milieux aquatiques 83 espèces piscicoles distinctes. Un ouvrage de référence plus récent comme "Les Poissons d'eau douce de France" (édition Biotope 2011) recense actuellement une centaine de taxons (espèces) en intégrant aux espèces d'eau douce quelques espèces d'eau saumâtre.

Il est vrai que l'avènement des techniques dites de recherches "moléculaires" ou "biochimiques" au service de l'étude génétique des espèces piscicoles a permis de compléter l'éventail des espèces piscicoles connues. Ainsi il est apparu qu'il subsistait plusieurs espèces de chabots, de goujons ou encore de chevesnes et que ces espèces étaient spécifiques à certains bassins hydrogéographiques.

De même la multiplication des réseaux de suivi des peuplements piscicoles a permis de mettre en évidence de nouvelles espèces introduites plus ou moins involontairement (loche transalpine, épirine lippue, esturgeons de sibérie ou sterlet, goujon ukrainien, gobie demi-lune, gobie de kessler...).

De manière générale, la richesse spécifique de nos cours d'eau (nombre d'espèces piscicoles distincte) ne fait que croître depuis plus d'un siècle ; ceci est très certainement une conséquence de la mondialisation si souvent évoquée dans nos actualités (expansion à l'échelle mondiale des échanges, des liens d'interdépendances...).

Et pour le département de Saône-et-Loire ?

La seconde partie de cet article est consacrée à dresser la liste des espèces piscicoles présentes dans les cours d'eau, plans d'eau, et canaux du département de Saône-et-Loire (département que je connais le mieux) : en espérant ne pas pas avoir commis d'erreurs ou d'oublis.

Le département de Saône-et-Loire est caractérisé par un important et dense réseau hydrographique (plus de 8000 kilomètres de chevelus, rivières et de canaux - source Bd Carthage IGN).

Bien sur tous ces milieux aquatiques, ne sont pas forcement accessibles à la pêche (gabarit trop petit) mais tous sont peuplés par des poissons. De plus, le département est traversé par la Saône, la Loire mais aussi le Doubs, la Seille, l'Arroux... ; autant de grand cours d'eau susceptibles d'accueillir une forte biodiversité piscicole.

Au total, il subsiste dans les cours d'eau du département 53 espèces piscicoles parmi lesquelles on peut distinguer :

  • 34 espèces autochtones ou ayant colonisées seules les rivières de Saône-et-Loire (cf. tableau 1).
  • 15 espèces introduites dont 10 sont considérées comme acclimatées, 4 ne se reproduisent pas mais sont régulièrement déversées pour le loisir pêche et 1 est toute nouvellement arrivée (l'aspe) (Cf tableau 2).
  • 4 espèces autochtones sont de grands migrateurs (partage de leur cycle écologique entre océan et eau douce)

Tableau 1 : Liste des espèces autochtones

Espèce autochtone au département de Saône-et-Loire
ou ayant colonisées seules les rivières du département.

Famille Espèce Statut (liste rouge des espèces menacée en France)
Anguillidae Anguille en danger critique d'extinction
Clupeidae Grande alose vulnérable
Cobitidae Loche franche  
Cottidae Chabot commun  
Chabot fluviatile ou Celtique  
Cyprinidae Ablette  
Able de Heckel  
Able spirlin  
Barbeau fluviatile  
Blageon quasi menacé
Bouvière  
Brème commune  
Brème bordelière  
Chevesne  
Gardon  
Goujon commun  
Hotu*  
Rotengle  
Tanche  
Toxostome quasi menacé
Vandoise  
Vandoise rostrée  
Vairon  
Esocidae Brochet vulnérable
Gadidae Lote vulnérable
Gasterosteidae Epinoche  
Epinochette  
Percidae Grémille*  
Perche commune  
Petromyzontidae Lamproie de planer  
Lamproie marine quasi menacée
Salmonidae Truite fario  
Ombre commun vulnérable. (très rare présence sur la basse partie du Doubs à l'entrée du département)
Saumon atlantique vulnérable. tentative de réintroduction (Bassin Arroux)
migratreur : reproduction en mer, développement en eau douce
migrateur : reproduction en eau douce, développement en mer

 *non autochtone, colonisation par les canaux.

 

La part des espèces "exogènes" n'est pas négligeable puisqu'elle constitue 32 % de la richesse spécifique du département.

 

 

-- Parmi les espèces introduites, il est intéressant de constater que la plus ancienne est la carpe. Son introduction date de l'époque romaine et du haut Moyen Age. Pour le reste, la plupart des introductions a eu lieu au cours des deux siècles derniers.

-- Les espèces carnassières ont été introduites en nombre : crapet de roche, sandre, black bass, silure, aspe, truite arc en ciel, saumon de fontaine. On voit là l'influence du loisir pêche. Si nombre d'entre elles se sont bien acclimatées certaines ne sont maintenus que par des empoissonnements (truite arc en ciel, saumon de fontaine).

-- Enfin, il est intéressant d'apprendre que certaines espèces ont été introduites par curiosité scientifique (crapet de roche, perche soleil, poisson chat).

 

 

Tableau 2 : Espèces de poissons introduites présentes dans les milieux aquatiques de Saône-et-Loire

Espèces Introduites
Espèce Région d'origine Date Introduction Raison Introduction impact Statut en Sâone & Loire
Black bass Amérique du Nord 1890 loisir pêche écologique acclimaté
Crapet de roche Amérique du Nord 1904-1910 curiosité scientifique inconnu acclimaté
Perche soleil Amérique du Nord 1877 curiosité scientifique écologique acclimatée
Poisson chat Amérique du Nord 1871 curiosité scientifique écologique (?) acclimaté mais en regression
Carpe amour blanc Extrême orient 1957 lutte biologique (végétation) écologique non acclimatée mais encore déversée
Carpe Europe Centrale époque romaine haut Moyen Age aquaculture écologique acclimatée
Carassin argenté Europe Centrale année 1980 involontaire inconnu acclimaté et en extension
Carassion commun Europe Centrale XVIIIè siècle losir-pêche inconnu acclimaté mais en regression
Pseudorasbora Extrème_orient 1978-1979 loisir pêche écologique acclimaté et en extension
Aspe Europe Centrale 1980 involontaire puis loisir pêche inconnu acclimaté et en extension en France, nouvellement arrivé en Saône et Loire dans la Loire (1 capture en 2012)
Sandre Europe Centrale 1888 loisir pêche pathologique et écologique acclimaté
Truite arc en ciel Amérique du Nord 1881-1884 loisir pêche pathologique et écologique non acclimatée mais encore déversée
Omble de Fontaine Amérique du Nord 1879-1904 loisir pêche inconnu non acclimatée mais parfois déversée
Silure glane Europe Centrale 1857 puis 1956 1966 en Saône-et-Loire curiosité scientifique puis aquaculture puis loisir pêche écologique et pathologique sur le poisson chat acclimaté et en extension
Esturgeon sp (autre que esturgeon européen) Europe de l'Est 1975-1995 aquaculture et pêche loisir inconnu manque d'informations (certainement introduit dans étang de pêche à la carpe
susceptible de provoquer des déséquilibres écologiques (Code de l'environnement)

 

Parmi les informations listées dans le tableau ci dessus, j'ai repris les appréciations de la communauté scientifique sur l'impact des espèces piscicoles introduites (Les Poissons d'eau douce de France - édition Biotope 2011). Lorsque que cette dernière n'est pas inconnue, il apparaît clairement que les scientifiques considèrent la présence d'une espèce exogène dans un cours d'eau comme un risque écologique.

De mon point de vue, sans parler de désastre à chaque nouvelle apparition d'espèce, je partage ce point d'analyse. Lorsqu'une espèce s'implante et se développe dans un milieu donné, de nouveaux équilibres trophiques (alimentaires) se créent. Les habitats sont quelque peu concurrencés et la part du "gateau" n'est plus la même pour les espèces autochtones.

Avant les années 1880, il n'y avait en France pas d'autres espèces carnassières que le brochet et la perche (dans des milieux type 2ème catégorie). Aujourd'hui il faut rajouter selon les cours d'eau le sandre, le silure, le black bass et l'aspe. En dehors des problèmes de milieux et de qualité d'eau viennent s'ajouter des problèmes de compétitions entre espèces. Dans un milieu donné, si la diversité des espèces de même niveau trophique augmente, il n'en est logiquement pas de même pour leur densité (nombre ou poids rapporté à l'hectare).

Ces observations sont aussi valables pour les groupes de poisson non ichtyophages (carnassiers). En somme ceci peut aussi s'appliquer aux poissons blancs (cyprinidés).

Dans le monde de la pêche on voit souvent les choses différemment. Il arrive qu'on accorde beaucoup trop d'importance à une espèce introduite pour sa valeur halieutique et culinaire et qu'on déteste et craint certains autres poissons éxogènes.

Ceci s'observe tout particulièrement pour le sandre et le silure. Les deux espèces sont responsables des mêmes impacts écologiques et pathologiques (bucéphalose larvaire pour le sandre et maladies transmises au poisson chat pour le silure).

Mais la valeur économique et halieutique du sandre a vite effacé les problèmes que pouvaient engendrer cette espèce.

A l'inverse, le silure qui par sa taille et sa forme, réveille nos peur et nos angoisses les plus profondes, fait l'objet de toutes les controverses et légendes. Cette espèce n'a malheureusement pour elle qu'une faible valeur économique et pourtant...

 

Pour ma part et dans un souci d'objectivité, j'ai toujours préféré considéré les espèces introduites à même niveau. Elles sont toutes plus ou moins responsables de même méfaits, mais comme elles sont là, pêchons les sans se prendre la tête. Par contre il n'en demeure pas moins qu'il reste important d'arrêter de les implanter partout.

 



 Rem


 

 

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